The Regime : critique d'une Kate Winslet en dictatrice frappadingue sur Amazon

Ange Beuque | 30 mars 2024
Ange Beuque | 30 mars 2024

Après Mare of Easttown et Mildred PierceKate Winslet continue d'investir, à son rythme de sénatrice, le créneau des mini-séries HBO de prestige. Elle croise cette fois Matthias SchoenaertsGuillaume Gallienne et Hugh Grant dans les couloirs décrépis de The Regime, une satire créée par Will Tracy (scénariste de Le Menu). Réalisée par Stephen Frears et Jessica Hobbs, cette farce politique grinçante est disponible sur Amazon Prime Video via le pass Warner en France.

Dirigeants et bouffons

Après avoir signé le scénario de Le Menu, Will Tracy décline la titraille culinaire en occupant cette fois les postes de créateur, producteur exécutif et showrunner. Il s'attache aux pas d'une chancelière quelque peu autoritaire dans un pays fictif d'Europe centrale.

La série construit son univers satirique sur un ensemble de contrastes, avec ses ministres déambulant smartphone à la main entre les murs défraîchis du château, tandis que la trivialité de certaines préoccupations (la chasse aux moisissures) dénote avec la gravité politique du propos.

 

The Regime : une dictatrice dans la bande-annonce glaçante de la série The RegimeLe régime, c'est moi !

 

Car si rire il y a, il tirera davantage sur le jaune que vers l'éclat. L'humour, qui laissera certains spectateurs sur le carreau, s'y déploie à la lisière du malaise : bien que The Regime soit quasi exclusivement focalisée sur la vie du palais, les parallèles avec notre monde sont flagrants. Qu'elle prétende se jouer des sanctions internationales ou gouverne au seul gré de ses humeurs, la chancelière semble une lointaine cousine d'éminents dirigeants occidentaux contemporains.

La série en tire sa singularité, toujours à mi-chemin de la bouffonnerie baroque et de la tragédie géopolitique : on saute d'une séance d'interprétation des rêves stupide à un compte à rebours anxiogène. Cette versatilité constitue aussi sa limite : à faire s'entrechoquer les tonalités, elle délaie un peu de sa force. La conclusion astucieuse donne un sens (paradoxal) à ce périple, mais à traiter d'une forme de néant, la farce s'expose au risque de paraître bien vaine.

 

The Regime : photo, Kate Winslet, Matthias SchoenaertsFrears and Hobbs, The Queen feat The Crown

 

Kate Winslet en reflet difforme, pas déformant

La série assure au moins à sa principale interprète un écrin royal. Aussi délicieuse en geignarde souffreteuse qu'en tyran halluciné, Kate Winslet (également productrice exécutive) irradie dans le rôle de la chancelière Elena Vernham au sein d'une production somptueuse.

Son personnage de dictatrice frappadingue est audacieux et fraie allègrement avec des problématiques de santé mentale. Terrifiée par la fragilisation de son statut, dont l'inexorable décomposition du cadavre paternel constitue une métaphore évidente, elle amorce un virage autoritaire qui est surtout un repli sur elle-même, quitte à purger ses collaborateurs pour s'épargner toute confrontation avec l'altérité.

Sa versatilité pathologique tend à nos névroses et nos hypocrisies un miroir cruel. Devenue esclave de son propre storytelling, la chancelière alimente de fait une bulle de post-vérité dont les parois opacifiées l'enserrent plus sûrement qu'une geôle. Déconnectée, inconséquente, elle préfère s'aveugler plutôt qu'accepter le changement du monde.

 

The Regime : Kate Winslet, Guillaume GallienneLes Garçons et Guillaume, à la guillotine !

 

Sacrifiant tout à l'illusion du contrôle, elle s'en révèle d'autant plus vulnérable, prête à se jeter sur la première fiole venue d'urine de renard blennorragique pour dompter sa mortalité. Du pain béni pour sa cour, plus concernée par la sauvegarde de sa position que le bien commun, et qui tente de résister au tourbillon effréné des grâces et disgrâces à coup de compromissions et de jobs kafkaïens.

Outre Matthias Schoenaerts, pygmalion prompt à nous rappeler que, de quelque dorure qu'on la recouvre, la brutalité primaire n'est jamais loin, on y croise Guillaume Gallienne en mari complaisant et un Hugh Grant plus désabusé qu'un Oompa Loompa. Chacun fait le job pour la mettre en valeur, sans faire de l'ombre à la prestation majuscule de la chancelière-soleil.

The Regime est disponible sur Amazon Prime Vidéo via le pass Warner à raison d'un épisode par semaine depuis le 4 mars 2024

 

The Regime : Affiche française

Résumé

Menée par une Kate Winslet délicieuse en dictatrice frappadingue, la série n'a pas peur d'entrechoquer les tonalités et son humour laisse un arrière-goût âcre. Une ligne directrice moins dispersée que la personnalité de la chancelière aurait sans doute permis à la série de prétendre au Régime d'exception.

Autre avis Alexandre Janowiak
Perdue entre la comédie satirique et la diatribe politique, The Regime ne trouve jamais un équilibre, exception faite de l'excellente prestation de Kate Winslet.
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commentaires
John Doe
01/04/2024 à 23:24

@basses calories: "aucun journal télévisé ne peut nous faire croire que les dirigeants actuels constituent une collection de pitres hallucinés (ou sous cocaïne) vivant dans un monde parallèle ; nos chroniqueurs et nos experts de plateau ne sont pas des crétins ricanants et serviles mais, au contraire, des personnes douées de raison et d'esprit critique."

Hmm... Tout cela est ironique j'espère?

Belle surprise pour ma part, je n'avais plus ri ainsi depuis la fin de Barry.

Grigor
31/03/2024 à 20:23

Je bloque après 2 épisodes. Je trouve la caricature beaucoup trop générale pour être pertinente. On ne critique pas ici précisément Trump ou Poutine ou autre, mais une dictature imaginaire qu'on ne peut pas vraiment relier à quelque chose d'existant.
J'y vois un mix entre La Mort de Staline de Ianucci et la série The Great, et je trouve cette dernière bien largement au dessus dans tous les domaines (humour, décors, costumes, acteurs, personnages, etc)

Seb1109
31/03/2024 à 18:32

J'avance avec du mal dans les épisodes. Clairement, je regarde uniquement pour Kate Winslet que j'ai toujours trouvé excellente. La série est à la limite de me faire dire l'inverse.
Je n'arrive pas à adhérer au postulat de base, aucun peuple en Europe est constitué de gens qui sont tous habillés en vert ou d'une autre couleur et personne n'exhibe son père en putréfaction,
ni même se comporte de la sorte (ca vaut pour tous les personnages). Alors oui, c'est une farce pour se moquer des dirigeants, ce sont des métaphores blablabla . C'est une parodie de caricature et c'est très difficile à appréhender, bien que tous les goûts soient dans la nature. Alors oui, ça fait parfois sourire, et parfois ça rappelle étrangement la vraie vie, mais là où réside le problème, c'est qu'on en a tous rien à faire de ce qu'il peut bien arriver. Tout le monde est détestable, aucun personnage n'a de sens. J'ai bien aimé certains passages, par exemple la représentante américaine dans l'épisode 2 avec la montée en suspens lorsqu'elle se retrouve seule avec Matthias en colère.
Bref, très moyen et la présence du plus détestable acteur français (et ça, ce n'est pas une question de goût mais bien une vérité), Guillaume Galliene est une aberration sans nom. Il partage l'affiche avec Kate Winslet, il doit plus sentir ses chevilles, si tenté qu'il les a eu dégonfler un jour.

Ari G.
31/03/2024 à 15:24

Sur l’affiche « une humble servante du peuplee »
C’est moi ou l’IA a encore fumé ? (ou alors un gag que je n’ai pas saisi)

Brebiss
31/03/2024 à 01:11

@basses calories
« les dirigeants actuels constituent une collection de pitres hallucinés (ou sous cocaïne) vivant dans un monde parallèle »
Euh comment dire, on a eu Trump (avec un match retour en devenir), Johnson, Bolsonaro et Milei en Amérique du Sud, vous avez vécu sur la planète Terre ces dernières années ?

Eusebio
30/03/2024 à 23:29

Je comprends pas, les séries HBO ne sont plus disponibles sur OCS ?

JPsg1973
30/03/2024 à 20:17

J'ai réussi à regarder 2 épisodes mais que ce fut pénible. Je ne suis pas sûr de regarder la suite. Guillaume Gallienne sérieux ! Comment imaginer que Kate Winslet puisse tomber amoureuse de lui !

basses calories
30/03/2024 à 18:34

Cette série se veut parodique, mais pour accepter la caricature, encore faut-il qu'elle s'appuie sur un semblant de réalité.

Par exemple : nulle part a t-on vu une impératrice auto-proclamée confondant un avion de chasse avec une machine à laver ; aucun journal télévisé ne peut nous faire croire que les dirigeants actuels constituent une collection de pitres hallucinés (ou sous cocaïne) vivant dans un monde parallèle ; nos chroniqueurs et nos experts de plateau ne sont pas des crétins ricanants et serviles mais, au contraire, des personnes douées de raison et d'esprit critique.

La prémisse de la série n'est pas vraisemblable.

Ceci dit, il y a Kate Winslet. Elle pourrait m'arracher une larme ou un sourire, même si elle se contentait de jouer une princesse britannique atteinte de cancer.

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