Le grand film oublié de Spielberg : pourquoi il faut revoir Empire du Soleil avec Christian Bale

Judith Beauvallet | 7 mai 2024 - MAJ : 07/05/2024 19:33
Judith Beauvallet | 7 mai 2024 - MAJ : 07/05/2024 19:33

Si Steven Spielberg est célébré depuis des lustres pour ses innombrables succès tels que Les Dents de la merE.T. l'extra-terrestre., Jurassic Park et tous ceux qu'on ne présente plus, certains de ses autres films ont du mal à monter sur le podium de ses œuvres les plus reconnues. Pourtant, parmi elles se trouve parfois le meilleur de son cinéma, comme c’est notamment le cas avec Empire du soleil.

Dixième long-métrage de Steven Spielberg, Empire du Soleil arrive dans sa carrière entre les deux premiers Indiana Jones et sur les talons de La Couleur Pourpre. Alors que le film reste aujourd’hui l’un des moins cités de la filmographie du réalisateur, il est étonnant de voir à quel point celui-ci recueille pourtant toutes les obsessions et les thématiques les plus chères au metteur en scène.

À la fois continuation parfaite de ses précédentes œuvres et terreau des suivantes, Empire du Soleil a peut-être pâti de son ton ambigu, fidèle au roman, qui essaye de traduire la dureté de la guerre à travers le regard positif et plein de ressources d’un enfant qui se construit. Spectaculaire, mais moins qu’une arche perdue, émouvant, mais moins qu’un E.T., l’extraterrestre, le film qui lança la carrière d’un Christian Bale de 13 ans n’est pourtant pas le Spielberg mineur que l’on croit.

 

Empire du soleil : photo, Christian Bale1er jour d'école

 

guère comme à la guerre

Avant que David Cronenberg ne réalise son superbe Crash en 1996, l’écrivain britannique J. G. Ballard avait déjà été adapté une première fois au cinéma en 1987, et pas par n’importe qui. Alors que Steven Spielberg devait se contenter, dans un premier temps, de produire l’adaptation menée par David Lean, le réalisateur du Docteur Jivago abandonna ce qui aurait été son dernier film pour laisser le bébé à Spielberg, déjà père d’un certain nombre de gros succès. Celui-ci n’eut aucun mal à s'attacher à l’histoire d’Empire du Soleil, ce roman majoritairement autobiographique relatant la jeunesse de Ballard, fils de bourgeois anglais vivant à Shanghaï et fait prisonnier dans un camp japonais pendant la Seconde Guerre mondiale.

Un gamin livré à lui-même sans ses parents ? Un apprentissage de la vie au milieu d’un chaos où la guerre est une toile de fond aussi terrible que fascinante ? Des figures paternelles de substitution et des retrouvailles émouvantes ? Tous les ingrédients sont là pour que la fresque leanienne devienne spielbergienne et la transition se fait sans douleur. Si la guerre avait déjà été présente (et le sera de nouveau) chez le réalisateur, c’est la première fois qu’elle sert de motif d’adversité pour la quête d’identité d’un enfant. C’est le fait d’adopter ce point de vue, toujours important pour le metteur en scène en chef de l’enfance, qui donne au film ce ton si singulier.

 

Empire du soleil : photo, Christian BalePas de bol

 

Car si les yeux innocents et rêveurs d'un gamin sont le support idéal d’une histoire fantastique comme celle d’E.T., d’A.I. Intelligence Artificielle ou du Bon Gros Géant, sont-ils adaptés pour rendre compte des horreurs de la guerre sans tomber dans le misérabilisme ? Pourtant, c’est bien ce que J. G. Ballard évite de faire dans son roman en relatant sa propre histoire : sans mentir sur la situation désespérante de son personnage, il conserve le recul, la faculté d’adaptation et le pragmatisme qui vont avec la volonté de vivre d’un enfant. Voilà pourquoi le film sous-entend la violence de la guerre tout en passant par une lorgnette qui n'est elle-même pas si violente.

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commentaires
Mad Movies
09/05/2024 à 15:14

Oublié ? Pff aha, oui par vous qui ne l'avez jamais vu en salles bande de banrleurs.

Eddie Felson
09/05/2024 à 10:15

@Birdy
En phase avec cette catégorisation de sa filmo et avec ta répartition des exemples qui l’illustrent à part peut-être Always qui m’a toujours beaucoup touché mais qui n’est pas pour autant dans sa top liste.

Birdy l'inquisiteur
09/05/2024 à 08:32

@Eddie : en fonction du cinéma qu'on aime le plus, on est presque sur de trouver dans sa filmo un film qui nous aura profondément marqué. En prenant de la bouteille, certains de ses films nous touchent moins (Always, Hook, Amistad, Le Monde Perdu), d'autres nous parlent de plus en plus (AI, Minority Report, Sugarland Express, Cheval de Guerre) et certains sont des pépites à savourer toute sa vie (Catch Me If You Can, Jurassic Park, L'Empire du Soleil, Indy 3, ou Munich par ex).
Ensuite, il y a les grands films qui entrent au Panthéon : Duel, Jaws, Indy 1 et 2, Rencontres, ET, Schindler, Ryan, et on verra pour les récents.
Et ceux qui me laissent un peu sur le bord du chemin malgré de brillants moments : Lincoln, Indy 4, Le Pont des Espions, le BGG, et même je l'avoue West Side Story (l'impression de revoir Roméo et Juliet) et 1941 (moins mon humour, j'attendais autre chose de Spielberg).

Il y en a forcément pour tout les gouts si on a un peu gardé son âme d'enfant cachée quelque part.

Flash
09/05/2024 à 08:00

Aqualung@ ok , merci pour ta réponse.

Eddie Felson
09/05/2024 à 01:39

@Birdy
Belle analyse des qualités de metteur en scène de Spielberg et de l’évolution de son cinéma. Je pense comme toi que certaines de ses dernières œuvres sont passées un peu voir beaucoup sous les radars! C’est, je pense, le cas de ses deux derniers films, “The Fabelmans”, très bon film, mais surtout, un passionnant récit autobiographique éclairant de larges pans de son histoire personnelle, notamment familiale, de ses affluences et posant les racines de nombreuses thématiques récurrentes de son cinéma. Et, the last but not the least, son adaptation ciné de l’œuvre scénique et musicale de Bernstein, West Side Story, formidable leçon de mise en scène. Sur ce dernier critère, son meilleur film avec Jaws
me concernant. Dépassant ce critère, difficile de classer ses meilleurs films, de les départager.

Birdy l'inquisiteur
08/05/2024 à 22:23

Il y a (selon moi) 3 grandes forces au cinéma de Spielberg :
1. Ses films peuvent toucher n'importe qui n'importe où dans le monde. Ils seront compris et auront le même impact pour un public mondial, parce que ses personnages sont universels, et confrontés à des problème qu'un humain peut ressentir, pas un new yorkais ou un français.
Et sa mise en scène bien sur, si fluide, lisible et pourtant impossible à reproduire ni à anticiper, qui colle au sous texte de la scène.
2. Ses films sont indémodables. Découvrir aujourd'hui Duel, Jaws, ou ET, c'est gouter à la quintessence de la mise en scène, et ça marchera toujours dans 100 ans.
3. Son cinéma a muri avec lui, et sa vision du monde a enrichi une carrière de films fondamentaux, là où beaucoup de réalisateurs doués pour les belles images font des films anecdotiques. Il s'est renouvelé en restant fidèle à son amour pour l'imaginaire, la SF, ce que cache la lumière, les traumas de l'enfance, et ses monstres pas si inhumains que ça.
Il est resté connecté au public, avant une fin de carrière qui finalement se fait plaisir avec des films qui prendront de la valeur.

Birdy l'inquisiteur
08/05/2024 à 21:53

Merci Eddie, en l'écrivant je sentais que qqchose clochait, mais j'ai pas vérifié.

Eddie Felson
08/05/2024 à 21:51

@Birdy
Amicalement, 1941 & non 1942 et d’accord avec votre point de vue sur cette pépite de tonton Spielby;)

Mathilde T
08/05/2024 à 21:47

Découvert ce film il y a peu par hasard. Désormais un de mes Spielberg favori

Birdy l'inquisiteur
08/05/2024 à 20:55

Ils sont rares les Spielberg que tu peux relire et comprendre sur un deuxième niveau en grandissant. Celui ci est sans doute le plus complexe, d'ailleurs enfant je n'avais pas les connaissances historiques suffisantes pour comprendre certaines références.
C'est aussi l'un des premiers films de Spielberg qui cherchent le ton à adopter. Son humour dans 1942 lui coutait son 1er flop, mais La Couleur Pourpre et ce Empire du Soleil annoncent une nouvelle maturité encore maladroite.
Ces films critiqués par la presse parce que se prenant trop au sérieux pour le jeune prodige du BO peuvent aujourd'hui se savourer pour ce qu'ils sont : des petits bijous.

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